Au coeur de l'insane bataille de titans de béton, hérissés de lances satellites, échangeant estocs et tailles d'épées vrombissantes, dévorés par des végétations parasites, dans le tumulte sans fin d'un Ragnarok immobile, se dissimule un jardin. Lové dans l'aine d'une monstruosité aux yeux innombrables de verre aveugle et de voyeurs invisibles, il se développe comme une tâche de lumière dans une pièce abandonnée et obscure. Après avoir évité les masses et les pieds cyclopéens, la marche imparable des serpents d'acier et leur parade de rouille, l'égaré qui aurait par hasard passé le porche de pagode rongé de sel et salué le vieillard en kimono incongru, sentira la fureur s'éloigner, les cris disparaître, la rage minérale s'éteindre comme les braises sous la vague.
Là l'attend un étang d'eaux vert tendre, saupoudré de carpes blanches et roses,tandis qu'une mangeoire de pierre orientale espère, pensive et grave, le passage des quelques colombes qui pourraient échapper aux griffes des corbeaux de foudre. Les pins nains exhalent le parfum délicieux des terres de l'enfance. Celui qui parvient au jardin sait que le silence est un bien précieux. Parfois, avec un peu de chance, il en gardera un fragment avant de retourner au tourbillon enragé de la folie citadine.
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