Ce même visage, pétri d'ennui et de paresse, qui d'un regard absent contemple les objets disparates disposés sur le tapis roulant d'une caisse, se fond soudain dans un sourire complice. Ce visage, qui avec peine se hisse au-delà d'un costume de vendeuse, du vert gris des hôpitaux de province, maquillé avec l'humilité de celle qui se sait insignifiante, pourquoi soudain cet éclat déplacé comme une odalisque dans une basilique?
Soudain l'imaginer avec d'autres oripeaux, qui habillent moins qu'il ne révèlent, sous la grasse lumière d'un vendredi soir. Soudain la voir s'approcher, danser plus que marcher et poser ses mains délicates ( que font-elles dans un super-marché, ces agiles serpents, ces graciles papillons de nuit?). Soudain l'avoir.
Combien de volcans dissimulent les tristes cendres des tristes lundis dans les tristes rayons fromagerie?
lundi 21 février 2011
vendredi 18 février 2011
la ville et le vide III
Au coeur de l'insane bataille de titans de béton, hérissés de lances satellites, échangeant estocs et tailles d'épées vrombissantes, dévorés par des végétations parasites, dans le tumulte sans fin d'un Ragnarok immobile, se dissimule un jardin. Lové dans l'aine d'une monstruosité aux yeux innombrables de verre aveugle et de voyeurs invisibles, il se développe comme une tâche de lumière dans une pièce abandonnée et obscure. Après avoir évité les masses et les pieds cyclopéens, la marche imparable des serpents d'acier et leur parade de rouille, l'égaré qui aurait par hasard passé le porche de pagode rongé de sel et salué le vieillard en kimono incongru, sentira la fureur s'éloigner, les cris disparaître, la rage minérale s'éteindre comme les braises sous la vague.
Là l'attend un étang d'eaux vert tendre, saupoudré de carpes blanches et roses,tandis qu'une mangeoire de pierre orientale espère, pensive et grave, le passage des quelques colombes qui pourraient échapper aux griffes des corbeaux de foudre. Les pins nains exhalent le parfum délicieux des terres de l'enfance. Celui qui parvient au jardin sait que le silence est un bien précieux. Parfois, avec un peu de chance, il en gardera un fragment avant de retourner au tourbillon enragé de la folie citadine.
Là l'attend un étang d'eaux vert tendre, saupoudré de carpes blanches et roses,tandis qu'une mangeoire de pierre orientale espère, pensive et grave, le passage des quelques colombes qui pourraient échapper aux griffes des corbeaux de foudre. Les pins nains exhalent le parfum délicieux des terres de l'enfance. Celui qui parvient au jardin sait que le silence est un bien précieux. Parfois, avec un peu de chance, il en gardera un fragment avant de retourner au tourbillon enragé de la folie citadine.
lundi 14 février 2011
La ville et les symboles II
Toutes les semaines, un jour, le temps de quelques heures, une centaine de personnes se rassemblent sur des places en béton armé, autour des lampadaires salis de poussière, à la tombée de la nuit. Ils sont vieux, fatigués, beaucoup sont laids, même avec leurs costumes repassés et leurs chapeaux mous. Les vieilles femmes grosses en profitent pour afficher leur or et leurs bijoux. Les hommes se contentent de cravates criardes. Ils s'asseyent sur d'inconfortables chaises d'école primaire et attendent. Aux premiers tâches d'obscurité, résonne la musique.
Les automates fatigués se dépouillent alors de leurs raideurs et de leurs fatigues, qui les rendaient si laids. Ils sourient, dansent, chantent. Un peu ridicules, agités comme des enfants à leur première fête.
Cela durera longtemps. Malgré les longues journées, les travaux ingrats, les clients offensants, ils danseront jusqu'à ce que l'orchestre rende gorge, les enceintes implorent grâce. Nul ne pourra les empêcher d'être heureux.
Jusqu'à demain.
Les automates fatigués se dépouillent alors de leurs raideurs et de leurs fatigues, qui les rendaient si laids. Ils sourient, dansent, chantent. Un peu ridicules, agités comme des enfants à leur première fête.
Cela durera longtemps. Malgré les longues journées, les travaux ingrats, les clients offensants, ils danseront jusqu'à ce que l'orchestre rende gorge, les enceintes implorent grâce. Nul ne pourra les empêcher d'être heureux.
Jusqu'à demain.
jeudi 10 février 2011
La ville et les odeurs II
Il est parfaitement vain d'ignorer l'odeur de la mer. Géant indifférent et vaguement ennuyé,il s'infiltre en tout lieu et des ses longs doigts mouillés se plaît à parsemer partout des flocons d'humidité teintée d'iode. Son cou interminable parcourt la cité soufflant une haleine faisandée sur les murs, les coiffures, l'eau bue. Sournois, il sait se dissimuler à l'ombre d'une ruelle, pour mieux surprendre, avec un poignée d'algues et de harengs. Invasif, il s'invite dans les bagages et plus d'un voyageur a découvert avec effarement, à l'heure de rentrer chez lui, que celui-ci l'avait suivi, émigrant illégal et persistant.
mardi 8 février 2011
la ville et le bruit II
Il est un son des plus particuliers, que le voyageur apprendra à reconnaître: celui des fripiers. Armés d'ocarinas essoufflées, ils sillonnent la ville, poussant des chariots-bicyclettes, nées de divers larcins, jusqu'à acquérir la forme qui sera la leur, avant d'être démantelées, vendues, échangées.
Dans les rues résolument désertes des quartiers écrasés par la chaleur, ils errent, dans un concert de grincements et leur souffle se fait chant par la vertu du petit instrument à vent. Alors que leur être tout entier n'est que chiffons, souillure, bouteilles vides, qui tressautent, condamnées en route vers l'échafaud, résonne l'ocarina, étrangement mélancolique, mélodie si triste et si résignée qu'elle transcende crasse, désordre, tumulte et gains véniels au détriment des vieillards, qui attendent, penchés aux fenêtres, un cordon à la main, que passe le voleur de riens.
Dans les rues résolument désertes des quartiers écrasés par la chaleur, ils errent, dans un concert de grincements et leur souffle se fait chant par la vertu du petit instrument à vent. Alors que leur être tout entier n'est que chiffons, souillure, bouteilles vides, qui tressautent, condamnées en route vers l'échafaud, résonne l'ocarina, étrangement mélancolique, mélodie si triste et si résignée qu'elle transcende crasse, désordre, tumulte et gains véniels au détriment des vieillards, qui attendent, penchés aux fenêtres, un cordon à la main, que passe le voleur de riens.
lundi 7 février 2011
La ville et les masques I
Lorsqu'il faut se déplacer à travers la houle de métal, il est de bon ton de se laisser mener par les hommes étranges et nerveux qui y sont immergés en permanence. Leur profession n'est pas toujours un choix. Si l'on se risque à la confession avec eux, on se confrontera à des paléontologues, des juristes, des mécaniciens, des ingénieurs, des professeurs d'anglais. Chacun d'eux est aussi friand de raconter que d'entendre. Le temps de quelques virages serrés, de quelques squales vrombissants évités, il est possible que le tutoiement vienne imperceptiblement, comme avec tous ceux avec qui on croise la camarade. Immergés dans la houle, ils s'y sentent chez eux, au rythme de la radio qui pulse et offre son battement au vent marin. Curieux, culottés, impatients, bavards, ainsi sont les fils du béton, fiers comme des poux de leurs carrosses rouillés, rongés par l'air salin, les hypothèques, les clients négligents. Tous peuvent raconter une histoire.
Il est même possible qu'elle soie vraie.
Il est même possible qu'elle soie vraie.
vendredi 4 février 2011
La ville et les odeurs I
Lorsque le voyageur s'enfonce dans les méandres de la ville, il ne peut éviter de remarquer que même la plus humble des échoppes, le plus misérable des étals regorge de fruits. Leurs odeurs dorées, agressives comme le soleil de midi, s'infiltrent partout en volutes éclatantes. Pommes, poires, oranges, tunas, ananas, papayes, mangues jaunes, vertes, pastèques géantes, melons nains, chirimoyas et lucumas, chacun d'eux apporte à la symphonie odorante les harmoniques qui lui sont propres. Les miasmes puissants de la fermentation ajoutent une note parfois sinistre aux pyramides assemblées comme des ziggourats monochromes. Celui qui s'aventure à suivre ces draperies de senteurs, ira, au gré des rues droites et des passages tortueux, s'approchant d'un temple à la façade écaillée et rongée par l'humidité. Au fronton monumental quelques lettres sont encore visibles: m cado e fr tas. Si l'égaré ne craint ni la foule, ni le bruit qui se réverbère sur les présentoirs métalliques, les murs peints pas les infiltrations d'eau, le parquet dessinant un algorithme abscons, son courage sera recompensé par une vision.
Des milliers de fruits, placés en tas, classés par familles, par couleurs, parfois selon un ordre incompréhensible. La foule grouillante ne l'arrêtera pas, ni les voix racoleuses. Il faudra traverser la crasse, le labyrinthe des visages, éviter les voleurs et les portefaix aveuglés par leur charge. Seulement alors, il parviendra à un étal qui est comme tous les autres étals. Celui qui le tient est parfois une femme aux chicots noircis, un vieil homme au chapeau feutre élimé ou une fillette dont les cheveux noirs sont parcourus de reflets bleutés. On lui tendra un morceau de fruit, qu'il mangera sans hésiter. Alors disparaîtront voleurs, portefaix, foule bruits, murs et infiltrations. Il ne subsistera du temple qu'un espace vide entre deux immeubles. Il faudra alors, une fois encore, rassembler les rubans de senteurs, lentement, remonter les rues et retrouver le temple des fruits exquis.
Des milliers de fruits, placés en tas, classés par familles, par couleurs, parfois selon un ordre incompréhensible. La foule grouillante ne l'arrêtera pas, ni les voix racoleuses. Il faudra traverser la crasse, le labyrinthe des visages, éviter les voleurs et les portefaix aveuglés par leur charge. Seulement alors, il parviendra à un étal qui est comme tous les autres étals. Celui qui le tient est parfois une femme aux chicots noircis, un vieil homme au chapeau feutre élimé ou une fillette dont les cheveux noirs sont parcourus de reflets bleutés. On lui tendra un morceau de fruit, qu'il mangera sans hésiter. Alors disparaîtront voleurs, portefaix, foule bruits, murs et infiltrations. Il ne subsistera du temple qu'un espace vide entre deux immeubles. Il faudra alors, une fois encore, rassembler les rubans de senteurs, lentement, remonter les rues et retrouver le temple des fruits exquis.
mercredi 2 février 2011
la ville et le vide II
La musique fraîche des gouttes de pluie. Leur tintement clair, lorsqu'elles s'écrasent, explosent, se mélangent, s'agglomèrent, réveillent du béton des notes de poussière entêtantes et suaves.
L'aspect de rideaux brillants, leur transparence glauque.
On cherchera en vain un parapluie dans toute la ville.
Le gris parfois menaçant du ciel n'est que mensonges d'un chien qui aboie beaucoup mais jamais ne mord.
Il pleut à grand peine quelques gouttes durant une vingtaine de battements de coeur.
Demeure une ville qui se baigne de poussière, une ville qui a oublié la pluie et son crépitement sec, si jamais un jour elle l'a entendu.
L'aspect de rideaux brillants, leur transparence glauque.
On cherchera en vain un parapluie dans toute la ville.
Le gris parfois menaçant du ciel n'est que mensonges d'un chien qui aboie beaucoup mais jamais ne mord.
Il pleut à grand peine quelques gouttes durant une vingtaine de battements de coeur.
Demeure une ville qui se baigne de poussière, une ville qui a oublié la pluie et son crépitement sec, si jamais un jour elle l'a entendu.
mardi 1 février 2011
La ville et la peau II
Se réveiller en été signifie subir les assauts indolents d'un vent moite, tout en sueur, qui colle à la peau comme une pellicule douceâtre, film transparent à l'odeur entêtante des bougainvilliers et du marc de voitures. Ce caramel sale pourrait se vendre en bouteilles, mais il recouvre tout et tous. Parfois, il s'étend, visqueuses toiles de chitine, en travers des rues. Lorsque l'on s'y confronte, on sent la résistance d'une membrane, qui rappelle son existence quelques secondes avant de céder.
Il est des jours ou le vent salin, lame de fond, les brise, harpon de grisaille à travers des couches de dorure poisseuse et vaguement insistante.
Cette atmosphère provoque chez chacun des effets différents. Toutefois, la plus part des habitants prétendent qu'elle n'existe pas, qu'il ne s'agit que des élucubrations de ceux qui marchent écorchés dans les rues de la ville.
Il est des jours ou le vent salin, lame de fond, les brise, harpon de grisaille à travers des couches de dorure poisseuse et vaguement insistante.
Cette atmosphère provoque chez chacun des effets différents. Toutefois, la plus part des habitants prétendent qu'elle n'existe pas, qu'il ne s'agit que des élucubrations de ceux qui marchent écorchés dans les rues de la ville.
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