jeudi 10 mars 2011

La ville et la peur I

Il est un lieu dans la ville bondée, cramoisie, emplie d'humanités, qui demeure étrangement vide. La maison, comme beaucoup d'autres qui agonisent au centre de la cité, ressemble à une vieille dame autrefois digne, mais qui aurait depuis succombé à la folie. Gribouillée, maquillée comme une vieille catin, sa façade n'en peut plus de racoler. Le rez-de-chaussée en est un garage qui tous les jours injurie et souille de méthane les moulures venues d'un autre temps.
Le second étage est vide.
De jour, il est étrangement accueillant.
Malgré la mélasse assourdissante de cris, de crissements, de klaxons, celui qui pousse la porte écaillée qui se blottit au sommet des escaliers étroits, cariés de graisse et de temps, plonge dans un silence fait de grincements, de double-croches des rats, du roucoulement lointain des pigeons. L'odeur qui s'y promène comme un passant nonchalant est une symphonie de pourritures rances et pénétrantes.
Le dernier bravache qui lança le pari d'y passer la nuit, répète inlassablement depuis les mêmes mots: les pas, les pas, les pas.
Il est simplement des lieux qui s'ouvrent sur des obscurités si profondes qu'elles doivent demeurer inconnues.

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