Celui qui cherche une rue dans une ville inconnue doit s'armer de patience. Il est peut-être habitué à être renseigné suivant des plans, d'autres rues, la position des étoiles. Dans la ville alanguie, celui qui demande sa route doit être prudent. On lui posera autant de questions que lui en posera. On lui demandera d'où il vient, ce qu'il cherche, parfois on lui parlera de cuisine, de ses préférences politiques. Il est possible que le guide providentiel ne se révèle n'être qu'un imposteur, dénoncé par un autre passant.
Les indications ont leur propre code. Les points de repère seront des églises, des gratte-ciels, des châteaux d'eau, l'océan. Chaque ville possède un plan que tous peuvent voir, imprimé sur du papier et un autre, secret, qui n'est l'apanage que de ses habitants. Il est confus, formé de désirs et d'angoisses, d'axes inexplicables. Mystérieux et changeant, il est dit que celui qui en possédera chacun des fragments verra le visage de Dieu, mais peut-être n'est-ce là qu'une invention, encore une fois, l'invention d'un guide indigne de confiance.
jeudi 31 mars 2011
lundi 28 mars 2011
La ville et le ciel I
Ils sont grands ou étiolés, à bout de forces. De la couleur du mercure. De celle de l'argent fraîchement coupé. Iridescents. Nacrés. Rebondis et joufflus comme des enfants de l'île du miel. Ascétiques, de véritables Yogis, qui ont traversé leur existence s'efforçant de se fondre dans le tout. Nonchalants, à la démarche de sénateurs. Paniqués, persuadés d'être en retard à la fête. Noirs comme des charbonniers, les bras chargés d'ondées lointaines. Ils traversent le continent, s'emplissent les poches au-dessus du vert éternel de l'Amazonie, les vident sur les stériles sommets enneigés. Ils débarquent, comme tant d'autres, sur la côte, en fumant tranquillement, penchés au-dessus des toits, appuyés sur un antenne, attendant leur vent.
C'est ici que les nuages viennent passer leurs vacances.
C'est ici que les nuages viennent passer leurs vacances.
jeudi 24 mars 2011
la ville et les masques IV
Certains jours, tandis que la ville ballote l'indécis le long de ses artères perforées d'éclats de béton et de lampadaires, Celui-ci peut perdre de vue l'horizon.
La brume, comme le rideau de larmes, dissimule et réveille l'envie de le percer à jour. Celui qui se laisse entraîner dans cette course désespérée ne connaîtra pas la satisfaction. La brume,elle, ne cessera de reculer, de l'entourer, sans jamais se laisser percer à jour. De ses longs doigt grisâtres, elle égarera le voyageur, propageant le bruit de ses pas d'une façon distordue, se plaisant à le promener de comédie en tragédie, révélant à ses yeux qui un drame, qui une farce, qui un amour contrarié, puis se refermant aussitôt, avec ce mouvement lent qui ressemble à une expiration.
Elle est tous les rideaux successifs d'une pièce qui ignore le parterre; la ville est une oeuvre qui se moque des applaudissements, des dernières et des rappels.Le brouillard n'est pas un entracte, juste une ignorance des yeux.
Celui qui se laissera entraîner jusqu'aux dernières coulisses, lèvera un coin de l'ultime velours, ne découvrira rien d'autre que l'étendue inexorable de l'océan, les vivats inlassables des vagues, les lazzis infinis du vent.
La brume, comme le rideau de larmes, dissimule et réveille l'envie de le percer à jour. Celui qui se laisse entraîner dans cette course désespérée ne connaîtra pas la satisfaction. La brume,elle, ne cessera de reculer, de l'entourer, sans jamais se laisser percer à jour. De ses longs doigt grisâtres, elle égarera le voyageur, propageant le bruit de ses pas d'une façon distordue, se plaisant à le promener de comédie en tragédie, révélant à ses yeux qui un drame, qui une farce, qui un amour contrarié, puis se refermant aussitôt, avec ce mouvement lent qui ressemble à une expiration.
Elle est tous les rideaux successifs d'une pièce qui ignore le parterre; la ville est une oeuvre qui se moque des applaudissements, des dernières et des rappels.Le brouillard n'est pas un entracte, juste une ignorance des yeux.
Celui qui se laissera entraîner jusqu'aux dernières coulisses, lèvera un coin de l'ultime velours, ne découvrira rien d'autre que l'étendue inexorable de l'océan, les vivats inlassables des vagues, les lazzis infinis du vent.
lundi 21 mars 2011
La ville et le vide IV
Il est possible, au grès des dédales et des impasses, que celui qui s'interne dans la ville alanguie perçoive, du coin de l'oeil, des visages. Ce phénomène se produit bien souvent à l'heure où le soleil agonisant lance une dernière fois ses serres d'or à l'assaut du ciel, s'y raccrochant comme un noyé sans autre certitude que sa disparition prochaine dans les flots de la nuit. C'est l'heure où s'allument les lampes. Celui qui traverse les gués encombrés de flots citadins, y croise parfois des mirages, fruits de la foule, le plus terrible des déserts. Il y verra peut-être une démarche qu'il connaît, à moins que cela soit un sourire, un chapeau, une intonation. Se retourner et suivre ces dopplegängers, c'est céder son âme à la folie. Ces visages, ces mirages, chacun les porte, dans la ville qui se cache, palpitante, au fond de son âme et porte pour chacun, un nom distinct: certains la nomment passé, d'autres éden, certains même, prétendent qu'elle n'existe pas.
lundi 14 mars 2011
La ville et le bruit III
Dans un hôtel, vétuste, qui se souvient douloureusement d'une période de couronnes et de faste, demeure un jardin. Ce morceau de gazon pourrait être insignifiant sans l'existence d'un arbre gigantesque, le dernier représentant des siens sur la côte battue par des vents aussi secs que la sentence du dernier juge.
De son tronc bicéphale s'élève une théorie de branches et ramilles. Ses larges feuilles ne connaissent pas l'automne, juste l'éternelle agonie qui a été offerte en partage aux plantes tropicales.
Dissimulés dans ses plus hautes branches demeure le peuple babillant des perroquets, qui toute la journée, se plaignent de la réalité qui les fait demeurer loin de l'ombre sans fin des forêts qui les ont vu naître.
De son tronc bicéphale s'élève une théorie de branches et ramilles. Ses larges feuilles ne connaissent pas l'automne, juste l'éternelle agonie qui a été offerte en partage aux plantes tropicales.
Dissimulés dans ses plus hautes branches demeure le peuple babillant des perroquets, qui toute la journée, se plaignent de la réalité qui les fait demeurer loin de l'ombre sans fin des forêts qui les ont vu naître.
jeudi 10 mars 2011
La ville et la peur I
Il est un lieu dans la ville bondée, cramoisie, emplie d'humanités, qui demeure étrangement vide. La maison, comme beaucoup d'autres qui agonisent au centre de la cité, ressemble à une vieille dame autrefois digne, mais qui aurait depuis succombé à la folie. Gribouillée, maquillée comme une vieille catin, sa façade n'en peut plus de racoler. Le rez-de-chaussée en est un garage qui tous les jours injurie et souille de méthane les moulures venues d'un autre temps.
Le second étage est vide.
De jour, il est étrangement accueillant.
Malgré la mélasse assourdissante de cris, de crissements, de klaxons, celui qui pousse la porte écaillée qui se blottit au sommet des escaliers étroits, cariés de graisse et de temps, plonge dans un silence fait de grincements, de double-croches des rats, du roucoulement lointain des pigeons. L'odeur qui s'y promène comme un passant nonchalant est une symphonie de pourritures rances et pénétrantes.
Le dernier bravache qui lança le pari d'y passer la nuit, répète inlassablement depuis les mêmes mots: les pas, les pas, les pas.
Il est simplement des lieux qui s'ouvrent sur des obscurités si profondes qu'elles doivent demeurer inconnues.
Le second étage est vide.
De jour, il est étrangement accueillant.
Malgré la mélasse assourdissante de cris, de crissements, de klaxons, celui qui pousse la porte écaillée qui se blottit au sommet des escaliers étroits, cariés de graisse et de temps, plonge dans un silence fait de grincements, de double-croches des rats, du roucoulement lointain des pigeons. L'odeur qui s'y promène comme un passant nonchalant est une symphonie de pourritures rances et pénétrantes.
Le dernier bravache qui lança le pari d'y passer la nuit, répète inlassablement depuis les mêmes mots: les pas, les pas, les pas.
Il est simplement des lieux qui s'ouvrent sur des obscurités si profondes qu'elles doivent demeurer inconnues.
samedi 5 mars 2011
La ville et les masques III
La ville est parcourue de sentes d'argent, qui illuminent sa surface d'un tissage brillant. ceux qui les empruntent parlent avec des accents anglais, allemands, français, feints. Ils marchent, détendus, sur ces larges avenues, bien entretenues, de pavés dorés, qui toutes enjambent des gouffres sans fond, qui sont pourtant l'essence même de la ville. Ces clairs sentiers sont parsemés de cafés, de terrasses agréables et de magasins qui ressemblent à des bars, de bars qui ressemblent à des coiffeurs, à des coiffeurs qui ressemblent à des magasins.
Parfois, des éruptions de magma entachent les claires sentes et parfois, quelques représentants de ces Elois insouciants se retrouvent emportés dans les gouffres amers et impitoyables des profondeurs miséreuses de la cité. S'ils survivent, c'est par un hasard impudent, car la colère et l'envie sont des moteurs puissants.
Ces passerelles sont fragiles et bien des fois, la réalité rappelle à l'insouciant que son essence est l'illusion d'une société.
Certaines sont couronnées par des tours d'ivoire, d'autres par des songes de papier, d'autres par des folies constituées en forteresses. Toutes sont construites des sables d'un temps révolu mais elles tentent d'ignorer l'inéluctable érosion, par des fêtes et des bals masqués.
La houle, elle, patiente, continue son travail inlassable.
Parfois, des éruptions de magma entachent les claires sentes et parfois, quelques représentants de ces Elois insouciants se retrouvent emportés dans les gouffres amers et impitoyables des profondeurs miséreuses de la cité. S'ils survivent, c'est par un hasard impudent, car la colère et l'envie sont des moteurs puissants.
Ces passerelles sont fragiles et bien des fois, la réalité rappelle à l'insouciant que son essence est l'illusion d'une société.
Certaines sont couronnées par des tours d'ivoire, d'autres par des songes de papier, d'autres par des folies constituées en forteresses. Toutes sont construites des sables d'un temps révolu mais elles tentent d'ignorer l'inéluctable érosion, par des fêtes et des bals masqués.
La houle, elle, patiente, continue son travail inlassable.
jeudi 3 mars 2011
La ville et la peau III
Parfois, lorsque le crépuscule vient, tandis que les voitures ouvrent leurs yeux de lucioles, celui qui s'achemine vers une maison, la sienne, celle d'autres, un foyer, un théâtre, une gargotte, sentira souffler sur son épiderme, un brise étrange, comme le souffle d'un bête fabuleuse, à la base de son cou. Cette créature invisible, fille du vent éméché et du désir triomphant, n'a pas plus de nom que de visage. Elle circule parmi les hommes, étirant ses anneaux vibrants de lointain et de mers inconnues. L'homme victime de la bête sentira le besoin irrépressible de rêver de départs, de ports, de visages nouveaux. Une vieille légende a court dans la ville alanguie: celui qui dompte cette bête sera un jour heureux.
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