Le mitan de la cité est brodé d'une théorie de ruines. Grouillantes fourmilières insomniaques, elles ne connaissent ni repos, ni silence. Inondées sans cesse de plastique criard, rose, jaune, vert, elles répandent à travers la ville des ustensiles indispensables. Là, le curieux pourra obtenir tout ce qu'il désire, s'il sait garder une main sur ses valeurs et un moyen pour se guider à travers les galeries, les dédales d'escaliers, les grottes suspendues éclairées de néons bourdonnants. Une théorie de portefaix, une confrérie de coiffeurs, une guilde de marchands de camelote. Le grand marché bat, coeur de polystyrène et de pacotille, diffusant couleurs et sons dans chacune des artères de la ville. Le guérisseur y côtoie l'informaticien, les poulets fraîchement égorgés les ballons d'anniversaire. Les façades rongées par le temps, résignées de crasse, contemplent dédaigneusement les manades qui les envahissent sans cesse. Là, un écrivain public se cure le nez sous un porche qui a connu les colonies, tandis qu'un vendeur de beignets harangue allégrement sous les arcades de, ce qui un jour, fût peut-être un palais.
Le centre se nie au changement, comme il se moque de son passé, de son futur, de son maintenant. Il est et ne connaîtra sa fin que lorsque les hommes auront perdu goût au marchandage et à l'échange. Certains prétendent que le jour de l'apocalypse, on y vendra des tickets d'entrée pour le paradis.
A moitié prix.